La loi EGALIM transforme profondément les pratiques des cantines françaises depuis son adoption. En 2025, les exigences sont désormais pleinement applicables et de nombreux gestionnaires cherchent encore comment s’y conformer sans bouleverser leur organisation. Ce guide vous accompagne pas à pas pour intégrer les obligations légales tout en préservant la qualité de service et la maîtrise budgétaire de votre établissement.
Comprendre la loi EGALIM : objectifs et principes fondamentaux
Qu’est-ce que la loi EGALIM et pourquoi a-t-elle été créée ?
La loi EGALIM (États Généraux de l’ALIMentation) a été promulguée le 30 octobre 2018 suite à une vaste consultation nationale sur l’alimentation. Cette législation répond à plusieurs enjeux majeurs : améliorer l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole, favoriser une alimentation saine et durable, et réduire l’impact environnemental de notre système alimentaire.
Le texte vise particulièrement la restauration collective publique qui, avec plus de 3 milliards de repas servis chaque année, représente un levier considérable pour transformer les pratiques alimentaires en France. Les cantines scolaires, les restaurants administratifs et les établissements de santé sont ainsi devenus des acteurs clés de cette transition.
La loi a été renforcée par plusieurs textes complémentaires comme la loi Climat et Résilience de 2021, qui a confirmé et étendu certaines dispositions, notamment concernant l’offre végétarienne.
Les 3 piliers de la loi EGALIM pour la restauration collective
La loi s’articule autour de trois axes principaux qui structurent les obligations des établissements de restauration collective :
- L’amélioration de la qualité des approvisionnements, avec l’objectif de 50% de produits durables dont 20% de produits biologiques
- La diversification des sources de protéines et la lutte contre le gaspillage alimentaire
- La suppression progressive du plastique à usage unique
Ces piliers visent à transformer l’ensemble de la chaîne alimentaire, depuis la production agricole jusqu’à la gestion des déchets. Pour les gestionnaires de cantines, cela implique de repenser leurs menus, leurs approvisionnements et leurs pratiques quotidiennes.
L’application de ces principes nécessite une approche globale qui touche à la fois les aspects nutritionnels, environnementaux, économiques et sociaux de la restauration collective.
Calendrier d’application : où en sommes-nous en 2025 ?
En 2025, nous sommes dans la phase de maturité de l’application de la loi EGALIM. Le calendrier initial prévoyait une mise en œuvre progressive :
- 2020 : Interdiction des contenants en plastique pour la cuisson et le réchauffage
- 2021 : Application de l’objectif de 50% de produits durables dont 20% de bio
- 2022 : Expérimentation du menu végétarien hebdomadaire rendue obligatoire
- 2025 : Interdiction totale des contenants alimentaires en plastique à usage unique
Aujourd’hui, les contrôles se sont intensifiés et les établissements non conformes s’exposent à des sanctions administratives. Les retours d’expérience des premières années d’application ont permis d’affiner les pratiques et de développer des outils adaptés.
Les établissements pionniers qui ont anticipé ces changements bénéficient maintenant d’une avance considérable, tandis que les retardataires doivent accélérer leur transition pour se mettre en conformité.
Les exigences concrètes de la loi EGALIM pour votre cantine
50% de produits durables dont 20% de bio : comment calculer vos quotas
Le calcul des quotas EGALIM s’effectue sur la valeur totale hors taxe des achats alimentaires annuels. Pour atteindre l’objectif de 50% de produits durables, vous pouvez intégrer :
- Les produits biologiques (minimum 20% du total)
- Les produits sous signes officiels de qualité (Label Rouge, AOP, IGP, STG)
- Les produits issus d’exploitations certifiées Haute Valeur Environnementale (HVE)
- Les produits issus de la pêche durable (MSC, etc.)
- Les produits du commerce équitable
- Les produits issus d’exploitations en conversion vers l’agriculture biologique
Pour suivre efficacement ces quotas, établissez un tableau de bord mensuel qui catégorise vos achats. La formule de calcul est simple : divisez la valeur des achats durables par la valeur totale des achats alimentaires, puis multipliez par 100 pour obtenir le pourcentage.
Attention aux doubles comptages : un produit bio et Label Rouge ne compte qu’une seule fois dans votre quota de 50%, mais contribue bien au quota spécifique de 20% de bio.
La diversification des protéines et les menus végétariens obligatoires
La loi EGALIM impose désormais à tous les restaurants collectifs de proposer au moins un menu végétarien hebdomadaire. Cette obligation vise à diversifier les sources de protéines et à réduire l’empreinte carbone des repas.
Pour les établissements servant plus de 200 couverts par jour, un plan de diversification des protéines doit être formalisé. Ce plan doit inclure :
- Un état des lieux de l’approvisionnement en produits protéiques
- Des objectifs d’amélioration et de diversification
- Un calendrier de mise en œuvre
- Un suivi des résultats
Les menus végétariens doivent être nutritionnellement équilibrés, en associant céréales et légumineuses pour garantir un apport complet en acides aminés. Des formations spécifiques pour les cuisiniers peuvent s’avérer nécessaires pour maîtriser ces nouvelles techniques culinaires.
L’acceptabilité des menus végétariens s’améliore progressivement grâce à un travail sur les recettes et la présentation. Les retours d’expérience montrent que l’introduction progressive et la communication positive favorisent l’adhésion des convives.
Fin du plastique à usage unique : alternatives et solutions pratiques
Depuis 2025, l’utilisation de contenants alimentaires en plastique à usage unique est totalement interdite en restauration collective. Cette mesure concerne les barquettes de service, les bouteilles d’eau, les pailles et tous les ustensiles jetables.
Les alternatives disponibles incluent :
- Les contenants en inox ou en verre pour le service et le stockage
- Les barquettes compostables à base de pulpe de canne, de bambou ou d’amidon de maïs
- Les ustensiles réutilisables ou en matériaux biodégradables
- Les fontaines à eau en remplacement des bouteilles plastiques
Le passage au vrac et aux grands conditionnements permet également de réduire significativement les emballages. Pour les établissements pratiquant la liaison froide, des solutions spécifiques existent comme les bacs gastronormes en inox avec couvercles hermétiques.
Cette transition nécessite souvent des investissements initiaux, mais génère des économies à moyen terme grâce à la réduction des achats de consommables jetables. Des aides financières sont disponibles auprès des collectivités territoriales et de l’ADEME pour accompagner ces changements.
Mettre en place une stratégie d’approvisionnement conforme
Comment identifier et sélectionner des fournisseurs qualifiés
Pour respecter les exigences de la loi EGALIM, la sélection rigoureuse des fournisseurs devient déterminante. Commencez par cartographier l’offre locale en produits durables et biologiques. Les plateformes comme Agrilocal ou les réseaux régionaux d’agriculteurs bio facilitent cette démarche.
Lors de la sélection, vérifiez systématiquement les certifications et labels des fournisseurs. Demandez des échantillons et organisez des dégustations avec votre équipe de cuisine pour évaluer la qualité organoleptique des produits.
Privilégiez les fournisseurs capables de vous fournir une traçabilité complète et des documents attestant de la conformité de leurs produits aux critères EGALIM. Ces documents vous seront précieux lors des contrôles.
La diversification des sources d’approvisionnement est recommandée pour sécuriser vos filières et réduire les risques. Toutefois, regroupez vos commandes auprès d’un nombre limité de fournisseurs pour simplifier la gestion logistique et administrative.
Organiser vos appels d’offres en intégrant les critères de qualité
La rédaction des marchés publics doit désormais intégrer explicitement les critères de qualité issus de la loi EGALIM. Pour cela, plusieurs techniques sont à votre disposition :
- L’allotissement fin par famille de produits ou par zone géographique
- L’intégration de critères techniques précis dans vos cahiers des charges
- La pondération avantageuse des critères de qualité et de développement durable
- L’utilisation de variantes permettant aux candidats de proposer des produits plus qualitatifs
Le Code de la commande publique autorise désormais à réserver certains lots aux produits issus de circuits courts, sans toutefois pouvoir imposer un critère de proximité géographique qui serait discriminatoire.
Les groupements d’achats peuvent constituer une solution efficace pour mutualiser les volumes et obtenir de meilleures conditions, tout en atteignant plus facilement les seuils de produits durables.
N’hésitez pas à organiser des rencontres préalables avec les fournisseurs potentiels pour leur présenter vos besoins et vous assurer de la faisabilité de vos exigences avant le lancement officiel de la consultation.
Maîtriser votre budget malgré les nouvelles contraintes
L’intégration des produits durables et biologiques peut entraîner une augmentation du coût des matières premières de 15 à 30%. Pour maintenir l’équilibre budgétaire, plusieurs leviers sont actionnables :
- La lutte contre le gaspillage alimentaire, qui peut générer jusqu’à 20% d’économies
- L’optimisation des grammages en fonction des besoins réels des convives
- La réduction de la part des protéines animales au profit des protéines végétales moins coûteuses
- L’achat en saison et en plus grands volumes pour bénéficier de meilleurs tarifs
- La négociation de contrats pluriannuels avec les producteurs pour stabiliser les prix
La méthode du « coût complet » permet d’évaluer plus justement l’impact budgétaire en intégrant les économies réalisées sur la gestion des déchets et la consommation d’énergie. Cette approche globale révèle souvent que le surcoût initial est compensé par des gains sur d’autres postes.
Des aides financières existent pour accompagner cette transition, notamment le Fonds Avenir Bio, les subventions des Agences de l’Eau ou les programmes régionaux de soutien à l’alimentation durable.
Outils et méthodes pour suivre votre conformité au quotidien
Tableaux de bord et indicateurs pour mesurer votre progression
Pour piloter efficacement votre conformité à la loi EGALIM, mettez en place un tableau de bord synthétique avec des indicateurs clés :
- Pourcentage mensuel et cumulé de produits durables et biologiques (en valeur)
- Fréquence des menus végétariens et taux de satisfaction associé
- Quantité de déchets alimentaires produite par repas
- Volume de plastique à usage unique encore utilisé
- Coût moyen du repas et part consacrée aux matières premières
Un suivi régulier, idéalement mensuel, permet d’identifier rapidement les écarts et d’ajuster votre stratégie. Visualisez vos données sous forme de graphiques pour faciliter leur interprétation et leur communication auprès des équipes et des usagers.
L’analyse comparative avec des établissements similaires (benchmarking) vous aide à situer votre performance et à identifier des bonnes pratiques transposables. Des réseaux comme RESTAU’CO ou AGORES facilitent ces échanges d’expériences.
Documentez systématiquement vos actions pour constituer un dossier de preuve de conformité, utile en cas de contrôle administratif.
Formation du personnel : les compétences à développer
La mise en œuvre de la loi EGALIM nécessite de nouvelles compétences pour votre équipe. Un plan de formation adapté doit couvrir plusieurs domaines :
- Techniques culinaires végétales et valorisation des protéines végétales
- Connaissance des labels et certifications pour l’approvisionnement
- Méthodes de lutte contre le gaspillage alimentaire
- Gestion des alternatives aux plastiques à usage unique
- Techniques de communication positive auprès des convives
Le CNFPT propose des modules spécifiques pour les agents territoriaux, tandis que des organismes comme l’IFRIA ou les chambres d’agriculture développent des formations adaptées aux professionnels de la restauration collective.
L’apprentissage par les pairs est particulièrement efficace : organisez des visites d’établissements exemplaires ou des ateliers d’échange de pratiques. Les cuisiniers sont plus réceptifs aux conseils de leurs homologues qu’aux formations théoriques.
Prévoyez un temps d’adaptation après chaque formation pour permettre l’intégration des nouvelles pratiques dans le quotidien des équipes.
Logiciels et applications dédiés à la gestion de la restauration collective
Des solutions numériques spécialisées facilitent considérablement la gestion de la conformité EGALIM. Ces outils permettent :
- Le suivi automatisé des achats durables et biologiques
- La gestion des menus avec calcul automatique des valeurs nutritionnelles
- L’optimisation des commandes et la réduction du gaspillage
- La traçabilité complète des produits
- La génération de rapports de conformité
Parmi les solutions les plus utilisées, on trouve Salamandre, Easilys, ou encore Datameal. Ces logiciels s’interfacent généralement avec vos outils de gestion existants pour limiter les doubles saisies.
Les applications mobiles comme Too Good To Go ou Phenix peuvent compléter votre dispositif en permettant la valorisation des excédents alimentaires auprès d’associations ou de particuliers.
Avant de choisir une solution, définissez précisément vos besoins et vérifiez la compatibilité avec votre organisation. Privilégiez les outils proposant une période d’essai et un accompagnement à la prise en main.
Communiquer efficacement sur votre démarche EGALIM
Informer les usagers : affichage obligatoire et supports pédagogiques
La loi EGALIM impose une transparence accrue vis-à-vis des usagers. Vous devez afficher de manière visible :
- La part de produits durables et biologiques dans vos menus
- L’origine des viandes bovines, porcines, ovines et de volaille
- Les informations sur la qualité nutritionnelle des repas
- La présence d’allergènes
Au-delà de ces obligations, développez des supports pédagogiques adaptés à votre public : affiches explicatives sur les labels, fiches produits mettant en valeur les producteurs locaux, ou encore infographies sur l’impact environnemental des différents types d’alimentation.
Les écrans dynamiques dans les salles de restauration permettent de diffuser des informations actualisées et attractives. Pour les établissements scolaires, des codes QR peuvent renvoyer vers des contenus plus détaillés accessibles via smartphone.
La communication doit être positive et valorisante, en mettant l’accent sur les bénéfices pour la santé et l’environnement plutôt que sur les contraintes réglementaires.
Impliquer les convives dans la transition alimentaire
L’adhésion des usagers est un facteur clé de réussite de votre démarche EGALIM. Pour favoriser cette implication :
- Organisez des dégustations de nouveaux produits ou recettes
- Mettez en place des commissions menus incluant des représentants des convives
- Proposez des animations thématiques (semaine du bio, journée végétarienne…)
- Créez des concours de recettes ou des défis anti-gaspillage
- Organisez des visites chez les producteurs locaux qui approvisionnent votre cantine
Les outils numériques comme les applications de notation des plats ou les sondages en ligne permettent de recueillir facilement les retours des usagers et d’ajuster votre offre en conséquence.
Dans les établissements scolaires, l’éducation au goût et à l’alimentation durable peut s’intégrer dans les programmes pédagogiques, en collaboration avec les enseignants.
La participation des convives à la préparation des repas, lorsqu’elle est possible, renforce considérablement leur appropriation des changements alimentaires.
Passez à l’action : votre feuille de route pour une cantine conforme
Pour mettre en œuvre efficacement la loi EGALIM dans votre établissement, suivez cette feuille de route en 6 étapes :
- Réalisez un diagnostic initial : évaluez votre situation actuelle par rapport aux exigences légales (part de bio, utilisation de plastique, etc.)
- Définissez des objectifs progressifs : fixez des paliers intermédiaires réalistes pour atteindre la conformité totale
- Formez vos équipes : organisez des sessions de formation adaptées aux besoins identifiés
- Révisez vos marchés : intégrez les critères EGALIM dans vos appels d’offres
- Mettez en place vos outils de suivi : déployez les tableaux de bord et indicateurs nécessaires
- Communiquez sur votre démarche : informez et impliquez les usagers à chaque étape
Cette approche méthodique vous permettra d’éviter les écueils les plus fréquents et de progresser de manière structurée vers une conformité complète.
N’hésitez pas à vous faire accompagner par des experts, comme ceux d’ASHA, qui peuvent vous aider à configurer des outils métiers sur-mesure adaptés aux besoins spécifiques de votre établissement. Leur expertise permet d’accélérer votre mise en conformité tout en optimisant vos ressources.
La transition vers une restauration collective plus durable est un processus qui demande du temps et de l’engagement, mais les bénéfices en termes de qualité alimentaire, de satisfaction des usagers et d’impact environnemental en valent largement l’effort.